10 octobre 2012

Les voyages arctiques d'Otto Schmidt

 
Le plus important explorateur de l'Arctique soviétique du début du XXe siècle fut sans conteste Otto Yulyevich Schmidt. Né le 30 septembre 1891 à Mogilev, en Russie (maintenant Biélorussie), il étudia brillamment à Mogilev, Odessa et enfin à l'université » de physique et de mathématiques de Kiev. Il s'y fit remarquer par ses premières publications en mathématiques en 1912. Diplômé en 1916, il est l'un des spécialistes de la « théorie des groupes » et se destine à l'enseignement mais la guerre et la révolution contrarient ses projets. Après avoir épousé la cause de cette dernière, la mathématicien devient l'un des responsables du Commissariat du Peuple pour l'Alimentation... puis, au début des années vingt, rejoint un autre commissariat (également du peuple, bien sûr), celui de l'éducation. Il retrouve l'enseignement des mathématiques en 1923 à l'Université de Moscou tout en supervisant la publication des travaux scientifiques russes et en poursuivant ses propres travaux. En 1928, il mène une équipe germano-soviétique d'exploration dans les monts Pamir qui en dresse les premiers relevés topographiques. 


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C'est au cours de cette même année qu'il fait son premier voyage sur un brise-glace, le Sedov. Il s'agit d'explorer l'archipel François Joseph dans le nord-est de la mer de Barents et d'établir une station scientifique permanente sur ces îles annexées par l'URSS en 1926. Schmidt effectuera un deuxième voyage dans la région deux ans plus tard utilisant le même navire, poussant plus loin vers l'est.
Sedov, ex Beothic de Terre Neuve

En 1932, Schmidt est nommé à la tête de l'Administration centrale de la Route du Nord (Glavsevmorput). Cette entité, voulue par Staline, a pour but de rendre possible la navigation tout au long de la côte arctique de l'URSS. Il met alors sur pieds un grand voyage dont le but est de parcourir toute la route du nord d'ouest en est en une seule saison, sans hivernage. Le navire est choisi ce sera l'Aleksander Sibiryakov, un ancien brise-glace canadien renommé en hommage d'un autre explorateur de cette région.
A. Sibiryakov, ex Bellaventure, construit à Glasgow

Le 28 juillet 1932, l'Aleksander Sibiryakov quitte le port d'Arkhangelsk. Son voyage va lui faire traverser la mer de Kara jusqu'à Port Dickson (atteint le 3 août) puis contourner par le Nord l'archipel de Severnaya Zemlya (en russe : Северная Земля ou Terre du Nord), une route encore inexplorée pour atteindre la mer des Laptev. Après une escale à Tiksi, à l'embouchure de la Kolyma au cours du mois de septembre, le brise-glace reprend sa route mais un grave incident technique survient en mer des Tchouktches, mettant l'expédition en péril. Les glaces rencontrées ont provoqué des avaries d'hélice. Privé de sa propulsion, le navire dérive pendant onze jours. Enfin, un gréement de fortune peut être installé grâce auquel, le navire, son autonomie retrouvée, peut traverser le détroit de Bering. Enfin, après 65 jours de voyage, le navire parvient à Yokohama. A leur retour en Russie, Otto Schmidt, le chef de l'expédition, et Vladimir Voronin, le commandant du navire, seront fêtés comme il se doit.

L'année suivante, une nouvelle expédition est mise sur pieds. Le but est maintenant de parcourir la route dans les deux sens. Pour cela, Schmidt va utiliser un autre navire lui aussi aux ordres du commandant Voronin. Mais le navire, bien que tout neuf et spécialement conçu, ne donne pas satisfaction. Construit au Danemark sous le nom de Lena, rebaptisé Chelyuskin, il n'est pas un vrai brise-glace, ce dont Schmidt et Voronin s'aperçoivent tout de suite, avant même le départ de l'expédition. Mais il est trop tard pour reculer. Le départ a lieu en juillet 1933. Plus de cent personnes sont à bord. La navigation, certes difficile, est néanmoins possible mais, parvenu en mer des Tchouktches en novembre, le navire est emprisonné par la glace et entrainé par sa dérive. Il doit être abandonné avant d'être écrasé. Un campement est établi sur la banquise dont tous les occupants seront recueillis par avion en mars 1934.

La technique évoluant, l'aviation est maintenant utilisée pour l'exploration. Schmidt planifie en 1937 une campagne d'exploration ayant l'archipel François Joseph comme point de départ. Destination : la proximité du pôle Nord où une station scientifique baptisée « Pôle Nord 1 » est installée. Les scientifiques qui y travaillent devront être évacués au cours de l'hiver suivant en raison de la dérive jugée trop importante. C'est un brise-glace qui sera chargé de l'opération de sauvetage organisée par le directeur de la Glavsevmorput. Il occupera cette place jusqu'en 1939 devenant alors directeur de l'Institut de Géophysique théorique qu'il créa et vice-président de l'Académie des sciences de l'Urss. Certaines de ses fonctions lui furent retirées sur ordre de Staline dans l'immédiat après-guerre. Il se concentra alors sur des travaux d'astronomie. Le grand scientifique s'éteindra le 7 septembre 1956 près de Moscou. De nombreuses distinctions lui auront été décernées. Il reçut à trois reprises l'Ordre de Lénine, deux fois le Ruban Rouge ainsi que d'autres décorations. Plusieurs lieux géographiques arctiques portent son nom et même un cratère lunaire ainsi que plusieurs musées et instituts.

Tous clichés DR

Pour connaitre toute l'histoire des brise-glaces russes et soviétiques, voir le livre : "Brise-glaces de la Route du Nord et de la mer Baltique" aux éditions MDV.

Pour des informations sur les brise-glaces russes en construction : le blog des navires spécialisés.





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